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La loi de la majorité

24 novembre 2008

Il y a peu de lois aussi nécessaires et qui aient l’air aussi peu légitimes que la loi de la majorité.

Peu de loi aussi nécessaires car c’est simplement la seule qui permettent de trancher démocratiquement une situation aussi difficile que celle dans laquelle se trouve aujourd’hui le PS.

Peu de loi qui aient l’air aussi peu légitimes car nous sentons tous confusément que dans un monde idéal, ce n’est pas la simple arithmétique qui devrait trancher un choix important.

Le résultat d’une élection n’est jamais d’ailleurs présenté pour ce qu’il est: une addition hétéroclite de points de vues qui ont chacun un sens très distinct et presque impossible à agréger. On croit voir une vague soulever l’électorat. On croit voir une déroute chez l’adversaire. On image que « les français » ou « les niçois » ont voulu envoyer un message – et tout cela pour quelques pour-cent de plus ou de moins. On met de l’émotion et du sens là ou précisément, c’est l’arithmétique seule qui a parlé.

Oui, tout porte à croire, lorsque on a perdu, que le résultat est injuste, qu’il ne traduit pas la réalité, qu’il est bien difficile de s’y soumettre, et qu’à tout prendre, il vaudrait bien mieux revoter. Oui,  tout porte à oublier qu’un nouveau vote n’en deviendrait ni plus exact, ni plus juste, et qu’en le forçant, on aurait abaissé par avance la légitimité de son résultat.

Il n’en reste pas moins que précisément dans la difficulté, c’est la loi de la majorité qui doit très strictement s’appliquer – et qu’en démocratie, c’est précisément le devoir et l’honneur des perdants de s’y soumettre les premiers.

Les vieux médias et le mépris de la démocratie

20 novembre 2008

Le rapprochement devrait sembler sans intérêt. Le développement des journaux, de la radio et de la télévision ont historiquement coïncidé avec celui du vote. La liberté de la presse est aujourd’hui encore l’un des meilleurs indices de l’autoritarisme d’une dictature comme de la vitalité d’une démocratie.

Et pourtant… pour prendre un exemple d’actualité brulante, le traitement du Parti Socialiste par le cœur unanime des journaux, des radios et des télévisions ne lasse pas d’étonner.

–        D’actualité brulante ? Mais vous vous égarez. On voit bien que vous n’avez pas suivi grand chose depuis longtemps, mon cher Cratyle. Au parti socialiste ? Mais enfin, vous n’êtes au courant de rien. Ce sont des luttes d’ambition, des manœuvres sans aucune portée, une vieille garde conservatrice qui ne veut pas s’effacer, un spectacle pitoyable. C’est à peine de l’actualité, à l’extrême rigueur une bien triste actualité, mais « brulante », comme vous y allez ?

–        Bon, d’abord, on se tutoie sur ce blog, ensuite, mon cher commentateur, il s’agit de savoir qui dirige, comment sera dirigé et quel sera la ligne politique du principal parti d’opposition français.

–        Mais, enfin, mon vieux Cratyle, le PS est un vieux parti  croulant, sclérosé, incapable de se trouver un chef -Enfin, la preuve, ils n’ont pas pu s’entendre entre eux au congrès !

–        Comment ça, incapable de se trouver un chef, mais c’est l’objet même de l’élection qui a lieu aujourd’hui, n’est ce pas précisément ce qui est en train de se passer ?

–        Mais pas un pour s’entendre !

–        C’est quand même le principe d’une élection

–        Ils ne sont d’accord sur rien

–        C’est-à-dire qu’il n’est pas très utile de répéter ce sur quoi on est d’accord quand l’objectif est de vous départager

–        Mais, c’est qu’au fond, ils sont d’accord sur tout !

–        Ton propos devient un peu contradictoire… et je commence à me dire que tu n’aurais jamais du rentrer dans ce billet (d’ailleurs depuis quand les commentateurs des blogs rentrent-ils dans les billets ?)

–        Ce sont des querelles de personnes – et d’ailleurs, entre nous, on fait tout pour arrêter Ségolène Royale, qui est pourtant la seule à avoir un peu de personnalité !

–        C’est que dans une démocratie représentative, et à fortiori dans un parti, le choix des personnes n’est quand même pas la question la plus accessoire, et puis d’ailleurs n’étais-ce pas toi qui te plaignais le manque de chef? Et lorsqu’on cherche soi-même à devenir le chef, ne tente-t-on pas précisément d’arrêter ceux qui ont la même idée derrière la tête ?

–        Enfin il n’y a aucune ligne, aucun projet clair, rien de neuf

–        Tu as lu les motions ?

–        Non mais…

–        Ecouté les discours ?

–        Non mais…

–        Tu as remarqué que des trois candidats, chacun représentait in-fine une aile un bord du parti, qu’il y avait sa gauche, son centre, et bon an mal an son aile droite plus ou moins assumée ?

–        Oui mais…

–        « Mais » quoi, à la fin ?

–        Mais tout le monde est d’accord pour dire que c’est un spectacle pitoyable !

Spectacle pitoyable ? Si tout le monde semble d’accord pour dire ou penser que le PS donne un spectacle pitoyable, c’est que l’expression a été répétée, ressassée, assénée sans fin sur toutes les radios et dans toutes les télés, qu’à force de la faire tourner en boucle, chacun a oublié  quel était exactement le spectacle et pourquoi on le jugeait digne de pitié.

Or qu’est-ce-que le PS ? Un parti destiné à rester dans l’opposition pour encore quatre bonnes années, dont la mission première est de définir sa ligne et de choisir ses dirigeants pour proposer une alternative au pouvoir en place. Que fait-il ? Il choisit ses dirigeants. Comment le fait-il ? Par le débat, par l’opposition des personnalités et des lignes politiques, par le vote… En un mot par la démocratie. Qu’en résultera-il ? Et bien ce sont précisément ses membres qui le choisiront démocratiquement. Il existe aujourd’hui trois voies qui se distinguent aussi bien sur le fond que sur la forme, trois choix cohérents, exactement ce qu’il faut pour trancher.

–        Mais tu raconte n’importe quoi, c’est de l’angélisme, et ce parti a vraiment besoin d’air frais !

–        Je peux finir mon billet, oui ?

Cher commentateur et squatteur de billet un peu prolixe mais néanmoins très apprécié, sache d’abord que l’argument de « l’air frais » est le plus vieil argument de la politique, le plus contradictoire donc et peut-être de ce fait le plus souvent mensonger.

Sache surtout que ces arguments contre « l’opposition des personnes », « l’absence de ligne », « le manque de leadership », « les congrès ou l’on parle beaucoup et qui ne servent à rien », que tous ces arguments que tu répètes en cœur avec nos vieux médias sont précisément les arguments que ceux qui méprisent la démocratie ont toujours employé.

Que oui, la démocratie, c’est bien le conflit des personnes et des personnalités, les grandes assemblées d’où rien n’a l’air d’émerger, les alliances, les rapprochements, les « il y en a toujours un qui n’est pas d’accord », les discussions sans fin – et jusqu’à ce jour la manière dont les peuples qui ont eu le choix ont préféré gouverner.

Si ces évidences attirent encore longtemps le mépris des vieux médias, ce sera peut-être sur leurs valeurs à eux qu’il faudra s’interroger.

De la liberté de siffler

16 octobre 2008

Dans cette triste affaire des sifflets, il semble que le gouvernement ait perdu tout sens de la mesure, ou tout point de repère, ou tout sentiment démocratique, pour qu’il s’attaque ainsi à sa seule source de légitimité, c’est-à-dire à la liberté d’avoir une opinion et de l’exprimer.

Dans cette triste affaire des sifflets, Il semble aussi que les grands médias veuillent à tout prix qu’on soit français, tout en ayant largement oublié ce que cela signifiait.

Car enfin, de quoi parle-t-on? Parle-t-on du devoir d’aimer sa patrie? Parle-t-on du devoir d’être heureux? Parle-t-on du devoir de masquer ses peurs, ses révoltes, ses contradictions? Parle-t-on du devoir de se taire lorsque son opinion ne correspond ni à la majorité, ni au gouvernement, ni aux autres opinions?

Quand parlera-t-on vraiment de la démocratie? Quand rappellera-t-on que la démocratie donne à tout les citoyens le droit de s’exprimer, de s’exprimer contre la démocratie elle-même ou de s’exprimer contre ce qu’elle fait?

Quand parlera-t-on vraiment de la république? Quand dira-t-on que notre république est fille de celle de 1789, de celle qui mettait au premier rang le droit de s’opposer, de contester, de défendre ses opinions contre la force et contre la tradition?

Quand parlera-t-on vraiment de la marseillaise? Ce chant de liberté. Quand dira-t-on que la « tyrannie » qu’elle combat est précisément celle qui musèle les peuples, qui leur impose le silence, qui les force à se taire ou à clamer des louanges?

Quand parlera-t-on enfin de la France? Quand dira-t-on que c’est par le droit de dire et de parler, par le droit de construire et de contester, par le droit de critiquer la France et par le droit de l’aimer, par le droit d’y être heureux et par celui d’y être malheureux, par le droit de la faire et par le droit de la refaire, par le droit même de s’y rebeller… et par liberté de siffler

qu’on est français.

Discussions ouvertes et discussions fermées

2 septembre 2008

La parole d’expert ne s’appuie pas sur moins d’opinions, de raccourcis ou de désaccords que la parole démocratique. Elle n’est pas moins désintéressée, pas moins hasardeuse, pas moins contestée par d’autres légitimités. Comme cette dernière, elle ne trouve sa valeur que dans l’agrégation des points de vues et la construction bien temporaire de synthèses toujours à recommencer.

La différence entre parole d’expert et parole démocratique est essentiellement une différence d’accès. L’expert réserve le hasard et la contestation de la discussion à ceux qu’il reconnait comme ses pairs. Il offre au reste du public une pédagogie, non une matière à discuter.

Le débatteur démocratique ouvre la discussion à tous : on y voit d’abord l’arrière cuisine et ses peu reluisants apprêts, mais aussi peu à peu les synthèses qui se construisent, les inventions, et par là même l’occasion de les rendre meilleures encore ou simplement d’y contribuer.

C’est l’une des lignes de fractures du Web actuel que cette opposition entre deux manières de contribuer: celle qui préfère se confiner dans un cénacle avant de diffuser ses conclusions, et celle qui ouvre le travail dans son ensemble. On suivra la lutte entre Wikipedia et Knol mais aussi une foultitude d’exemples -on n’en finirait pas de les citer- où le Web introduit la discussion démocratique dans un domaine de discussion fermée, et où en retour, la logique d’expert tente de reprendre pied, en se parant de sa cohérence ou de son unité.

Il est amusant de voir que les anciens médias – qui fonctionnent eux-même sur ce mode- sont les infatigables défenseurs de l’expertise et des discussions fermées. Il portent cette lourde préférence en politique, où leurs cris semblent encore suivis d’effets.

Ainsi, dans la quasi totalité des échos de l’université d’été du PS  – qu’il soient ou non au PS apparentés- l’ouverture des arrières-cuisines parait toujours scandaleuse, les ficelles ont toujours tort d’être affichés, les oppositions et les personnalités ne trouvent pas grâce sans avoir été lourdement fardées. Qu’on compare ces réactions à celles que suscitent des discussions bien autrement fermées, où aucune hésitation ne se montre, ou aucune discussion publique n’a véritablement lieu, où l’on ne parle qu’une fois le débat réel achevé…

Et si la nouveauté politique -celle que les nouveaux médias ne cessent de porter- était justement cette discussion ouverte au vent, cette discussion un peu plus démocratique parce qu’un peu plus transparente, à laquelle nos goûts d’ancien monde ne nous ont pas encore habitués?

La mariée, les médias et la liberté

1 juin 2008

Les anciens médias et les appareils constitués s’engouffrent tous ensemble dans le torrent de l’indignation et du bon sens outré. Un furieux consensus emballe les politiques et les organes de presses, les associations, les biens et mal pensantes personnalités.

Un accident tragique ? Ce n’est pas cela. Une défaite sportive ? Pas plus. Un événement inouï par son ampleur et par sa nouveauté ? En quelque sort… Plus exactement, il s’agit de la fin d’un mariage, et il est vrai que l’histoire est triste, et que l’on n’a pas tant l’habitude, de nos jours, de voir des couples se séparer…

J’entend qu’on se racle la gorge à ce dernier trait. On interpelle, même, ça y est:

– Enfin, vous plaisantez ?
– …
– Vous faites l’innocent ?
– …
– Vous jouez au paradoxal ?
– …
– Vous ne voyez donc pas que ce sont des pratiques d’un autre temps et d’un autre lieu ?
– …
– Que l’on s’en prend à l’identité féminine ?
– …
– Que l’on s’en prend aux traditions françaises ?
– …
– Que votre silence est à la fois un crime contre l’histoire et contre la modernité ?
– …
– Qu’il va rapidement falloir vous justifier ?
– N’en jetez plus, je réponds…

Je répondrais d’abord que l’extraordinaire alliance de Marine Le Pen, Patrick Devedjian, Martin Hirsh et Marie-George Buffet sur un sujet si complexe et si délicat que la tradition et le mariage, que les souffrances d’une jeune épouse et de son mari, que la religion et l’identité, que l’extraordinaire alliance d’un tel aréopage ne me dit rien qui porte au véritable enthousiasme. Que si c’était le cas, la convergence éclair entre Libération et TF1, La Croix et Le Parisien me ramènerait bien vite au scepticisme déclaré.

– Comment, vous ne vous soumettez pas à d’aussi vertueuses autorités ? Contre d’aussi grands esprits, vous prétendez luttez ?

S’opposer tout seul serait bien difficile, en effet. Je m’abandonnerais bien à l’évidence s’il n’y avait ces lieux étonnants où l’évidence semble partout renversée. Non pas les grands organes de presse et les associations bien structurées, bien plutôt les petits carnets blogosphériques ou la même histoire semble toute retournée.

C’est que de blogueur en blogueur, l’évidence s’effrite et semble de moins en moins installée. Chafouin, PMA, Fanette, Toréador, Primavera, les sensibilités les plus variées ont tour à tour égratigné les vertueux appels qui se voulaient si bien partagés. Les blogs juridiques ont analysé la question, retourné la logique, montré combien les chœurs politiques manquaient de précision, de connaissance du sujet… manquaient tout simplement de savoir ce qu’ils disaient. De commentaires en commentaires, la discussion lancée chez Embrun montre que la république n’est pas où on l’avait d’abord revendiquée, que la modernité n’est pas l’apanage de ceux qui s’en sont fait les défenseurs outrés. Plus étonnant encore, on en trouve qui se soucient de la vie de cette femme et de cette homme, qui se sont rappelés – quelle mémoire !- qu’il y a deux individus vivants et pensants dans cette affaire, et que leur vie et leur pensée n’est pas radicalement éloignée du sujet.

Que dire de cette fracture entre les avis individuels exprimés sur le net et le raffut pétaradant des anciens médias et des appareils politiques enflammés ?

Peut-être qu’il y a là deux conceptions de la liberté.

Que les uns, habitués qu’ils sont à imposer des pratiques et des opinions, ne peuvent souffrir l’offense à leurs valeurs, à leurs mœurs, à leurs choix de société. Qu’un individu trouve « substantiel » ce dont ils n’ont que faire ou qu’ils réprouvent, et la tempête ou la loi doivent aussitôt le faire plier.

Que les autres, plus habitués à la variété des avis et des opinions, peut-être à la complexité des discussions, ou à tout ce que le simplisme peut charrier d’iniquité, que les autres enfin acceptent et comprennent que s’expriment précisément les valeurs qui leurs sont opposées, que l’on soit libre enfin de trouver « subtantiel » celà même qui leur déplait.

Et si notre liberté consistait précisément à tolérer les valeurs mêmes qui nous sont opposées?

Les nuages s’accumulent lentement dans le ciel de l’internet français

8 février 2008

Generation MP3 relayé par Kelblog suit très opportunément les progrès de la « loi FNAC » contre le téléchargement. Cette loi est directement issue du rapport Olivenne, c’est-à-dire des réflexions du président de la FNAC sur la principale menace qui pèse sur son activité.

On a beaucoup dit l’absurdité de ce travail. Imagine-t-on confier un rapport sur les espèces menacées au président de l’Association des Chasseurs Landais? Une commission sur la pollution au président de Total ou de Peugeot? Sur l’ISF au propriétaire de LVMH? C’est pourtant bien ce qu’on a fait, et le projet de « loi FNAC » est très exactement le reflet de l’avis du marchand de disques sur le sujet.

L’absurdité n’empêche cependant pas ce projet d’avancer. Il arrive en ce moment au conseil d’état, c’est-à-dire qu’il a déjà pris la forme juridique d’une loi, qu’il a fait son entrée dans le « pipeline » de ce qu’on s’attend un jour à voter, et qu’à moins d’une surprise, il passera sans coups férir le faible obstacle de la discussion d’assemblée.

Inquiétante conjonction entre cette tentative pour empêcher les clients de la FNAC de déserter le rayon disque et les réflexions en cours pour sauver les revenus publicitaires de la télévision hertzienne privée.

Il semble que les vieilles industries menacées par le développement d’internet se crispent devant l’obstacle. Incapables de faire face au défi, elles se replient sur le lobbying aveugle pour préserver le plus longtemps possibles leurs si chers intérêts.

Quelle importance, me direz-vous? Il parait normal qu’une industrie menacée tente de se défendre, qu’après la sidérurgie ou le textile, les anciens médias cherchent la protection de l’état contre les brusques évolutions de leur marché.

L’important est que cette défense des intérêts privés ne se fasse pas au détriment d’un intérêt très général: le développement de l’internet et des nouvelles technologies dans ce pays.

Le risque est que le petit monde de l’internet ne soit encore ni assez puissant ni assez structuré pour faire pièce au lobbying bien rodé de ceux qui sont en train de devenir ses ennemis acharnés.

Si les différentes communautés de l’internet français -et les communautés de bloggueurs les premières- ne s’investissent pas massivement dans un débat qui les concerne au premier chef, les nuages ne cesseront de s’accumuler dans le ciel de l’internet français.

La lenteur des projets de lois ne doit pas faire illusion. Portée par un groupe influent ou déterminé, une idée qui ne rencontre pas de discussion finit toujours par être votée.

Le discours et l’image

7 février 2008

Depuis quelques décennies, la communication politique semblait irrémédiablement dominée par la force de l’image. Le grand discours, jadis art majeur de la politique en démocratie, semblait peu à peu relégué au rang des curiosités. On discourait toujours, il est vrai, mais c’était pour épater la galerie ou pour se soumettre à un exercice obligé.

Lors de la dernière campagne présidentielle française, Nicolas Sarkozy a certes fait valoir quelques discours pour essayer de convaincre de sa capacité à s’élever au niveau présidentiel. Ils n’étaient pourtant qu’interprétations des mots d’un autre, d’un auteur apporté au candidat comme un compositeur un peu renommé à un chanteur de variété, pour enluminer un nouvel album et créer un souffle de curiosité.

De son coté Ségolène Royal ne semble pas avoir trop souffert de son manque de talent oratoire. Admettant en privé son peu de goût pour la prise de parole militante, elle s’est largement contentée des images que ses positions de « femme à la tribune » ou de « candidate en pleine écoute » lui permettaient de diffuser.

Dans cet effacement progressif du discours, l’émergence de Barak Obama sur la scène américaine marque peut-être une véritable nouveauté. C’est au discours prononcé lors de convention démocrate de 2004 qu’il doit sa notoriété. C’est à lui qu’il doit probablement cette crédibilité que ces adversaires s’efforcent pourtant d’attaquer. C’est son sens du discours qui marque les commentateurs de tous pays. C’est le discours enfin, qui comme un spectaculaire retournement, fait la matière de cette vidéo de campagne dont la puissance d’évocation a provoqué une diffusion mondiale presque instantanée.

Alors, Barak Obama à l’avant-garde d’une nouvelle génération politique pour laquelle le discours reprendrait le pas sur l’image? Ou nouvelle ruse de l’image, cette fois-ci concentrée sur la posture d’orateur, non sur ses mots mais sur ce que la posture de l’orateur a de visible?

Dans le très ancien duel du discours et de l’image, je prends le parti de celui qui incarne la démocratie politique, et qui est je crois véritablement le premier.