Nouvel épisode d’un mouvement enregistré depuis quelques mois: l’intrusion de plus en plus pressente des avocats dans le Web 2.0.
C’est aujourd’hui Eric Dupin qui se voit attaqué sur le terrain juridique, attaqué d’ailleurs sur des bases bien ténues, et qui semblent relever d’autres objectifs que le simple respect désintéressé de la loi.
Comme lors de précédents épisodes, il est frappant de constater l’écart entre le langage des nouveaux médias et celui des anciens, qui est au fond celui que les avocats relaient.
L’incompréhension est réciproque.
Du coté des anciens médias et des célébrités qu’ils ont suscitées, on attaque au hasard, sans comprendre précisément ce que l’on reproche, sans surtout se rendre compte qu’employés à mauvais escient, les moyens juridiques ont toutes les chances de se retourner contre leurs auteurs. Sur le nouveaux médias, les débats suscités par un mauvais procès se déploieront bien au-delà de ce qu’imaginent ceux qui les ont provoqués, ils concentreront une attention et une publicité que leurs initiateurs n’ont certainement pas mesurées, et qui dépasseront de loin les enjeux du procès. Les attaquants comprendront -mais trop tard- que ce sont des discussions qu’ils auraient eu bien mieux fait d’éviter.
Du coté des nouveaux médias, en dépit de la blogosphère juridique et de ses éminents représentants, on semble ignorer bien largement le fonctionnement de la justice. Mon soutien aux blogueurs en difficulté étant acquis en totalité, je ne peux m’empêcher de remarquer que leur perception du droit tend parfois vers la caricature. Qu’un avocat menace -c’est parfois son métier- et comme dans Molière, ils se voient à moitié condamnés: « Eh! Monsieur, si vous le pouvez, sauvez-vous de cet enfer-là. C’est être damné dés ce monde que d’avoir à plaider ».
C’est qu’en croisant bien involontairement la route des anciens médias, les blogueurs se heurtent à une logique différente de celle à laquelle ils sont habitués. Pour les participants du Web 2.0, la discussion est naturellement démocratique, contradictoire et instantanée. C’est l’alpha et l’oméga de sa légitimité. Dans des institutions plus traditionnelles, dont les institutions juridiques sont un archétype, la discussion est inégale, hiérarchisée, étalée dans le temps et distanciée.
En prenant de l’ampleur et de l’influence, les discussions des nouveaux médias ont donc fini par s’étendre sur des terres à elles inconnues, où prospèrent d’autres sources de légitimité. A la frontière de mondes qui ne se comprennent pas encore, les conflits et anicroches sont en train tout naturellement de se développer. C’est la source des événement que nous observons aujourd’hui. C’est aussi la raison pour laquelle ils ne sont pas prêts de cesser.
Quelle que soit leur faiblesse et leur vacuité, ces assauts juridiques sur le Web 2.0 ne sont doncpas le fait du hasard; ils résultent d’un conflit de légitimité. La croissance et le développement du Web ne peuvent que les multiplier.
Il est utile et nécessaire que les participants du Web se mobilisent sur le sujet. Non seulement qu’ils expliquent et défendent leurs principes, mais aussi qu’ils cherchent à mieux comprendre la logique qui leur est opposée.
C’est ainsi que l’on tirera le meilleur parti d’un conflit inévitable, que les nouveaux médias ne pourront pas ne pas emporter, mais qu’ils devront rendre utile et profitable à la collectivité.