My Space? Trop tard… Facebook? Beaucoup y croient encore…
Au fond… Faut-il qu’il y ait un vainqueur? En d’autres termes, les médias sociaux, comme les sites internet de la première génération, sont-ils nécessairement voués à la loi du « Winner takes all »?
A première vue, les mêmes causes semblent engendrer les mêmes effets: les coûts de développement d’un site sont des coûts fixes, indépendants du nombre d’utilisateurs; le meilleur site devrait donc drainer inexorablement la totalité des clients, segment après segment, en dévorant peu à peu ses concurrents.
Dans cette perspective, la guerre des médias sociaux devient une question essentiellement technique: qui parvient à produire la meilleure interface et à l’adapter le plus rapidement? C’est la vision d’Arrington et de trés nombreux bloggeurs, présentée dans la synthèse de Julien Jacob ou, avec une distance certaine, dans celle de Jean-Marie Le Ray. Elle entraine une conséquence inévitable: la convergence de tous les sites vers un réseau social unique. Facebook tiendrait donc la corde…
Il se pourrait néanmoins qu’en développant cette vision mieux qu’aucun autre, Facebook ait sutout popularisé une illusion: l’homogénéité des liens sociaux. L’image du « graphe social », où les liens entre individus se résument à des segments, pour éclairante qu’elle soit, masque la profonde différence de nature entre ces segments.
Les liens entre amis (très proches), bons copains (un peu plus éloignés), collègues, bloggueurs, anciens d’une même université, tous ces liens ne diffèrent pas seulement par leur intensité, pas seulement non plus par la quantité d’information échangée. Ils diffèrent par les règles de la relation, par la manière d’interagir et d’échanger. Non seulement on ne se dit pas la même chose, mais on ne se le dit pas de la même manière. A l’extrême, on n’assume pas la même identité selon le type de réseau auquel on est confronté.
Que chacun réfléchisse à la différence entre ses relations familiales et amicales: il se rendra compte qu’il n’y a pas de réseau social unique, ou plutôt que cette idée est dépourvue de sens pratique. Bien plus, nous sommes tous dotés de réseaux sociaux distincts, qui peuvent parfois se croiser, jamais se superposer. Nous appartenons simultanément à des communautés familiales, amicales, professionnelles, et nous présentons des identités distintes pour chacune d’entre elles.
C’est peut-être une véritable loi des réseaux sociaux qu’il convient maintenant d’énoncer: chaque type de réseau social est pourvu de ses propres règles et de sa propre identité.
La conséquence en est claire: chaque type de réseau requiert son propre média social, son propre type d’interface et donc un sîte adapté.
Le succès de Facebook provient du choix d’un type de réseau particulièrement répendu: les amitiés de fac et celles qui leur ressemblent. A terme, les règles et le mode de fonctionnement de ce type de réseau ne pourra cependant convenir aux autres. Pour ne prendre qu’un exemple: le système de traçabilité, moteur du succès de Facebook dans un contexte informel, est largement inacceptable dans un contexte professionnel. Linked-in ne se trouvera pas dépossédé de ses bataillons de cadres, en tout cas pas au profit d’un site où les liens privés sont aussi visibles que dans Facebook. Pour reprendre la typologie de Nicolas Cynober, on pourrait dire que les médias sociaux sont nécessairement verticaux.
Dans la guerre des médias sociaux, le vainqueur semble donc être… La diversité.
La nature communautaire du web 2.0 génère et impose ce foisonnement de sîtes et de réseaux. Elle pourrait bien lui permettre de durer.