Archive for the 'Technologie' Category

Chrome: offensive du Web ou offensive contre le Web?

3 septembre 2008

La blogosphère techno aurait-elle oublié ce qu’elle doit au Web? Dans le déluge d’article qui accompagne la sortie de Chrome, j’en vois beaucoup pour s’enflammer à tout va, beaucoup pour buzzer à perdre haleine, bien peu pour se poser quelques questions sur les directions que Google veut faire prendre au Web.

On parle beaucoup de Web OS, de concurrence avec Microsoft, de terminaux Web resserés, et certes, tout ce qu’on en dit est souvent vrai, mais on semble oublier qu’avec un navigateur Web, c’est peut-être avant tout au Web que Google est en train de s’attaquer… et que peut-être le mot s’attaquer n’est pas à prendre ici au figuré:

  • En mettant en avant ses propres contenus (les suggestions de recherches) lorsque l’utilisateur entre une adresse dans la barre URL, Google tente ni plus ni moins d’altérer la nature des déplacements sur le Web. Il essaye de substituer son propre recensement, sa propre mise en forme, son propre classement à ce que les utilisateurs du Web ont patiemment constitué. Il ne le fait pas sur son site – ce qui est bien son droit, et d’ailleurs son métier- il le fait dans ce que l’utilisateur considère -à tord ou à raison- comme sa propriété.
  • En intégrant le déplacement sur le Web (la barre URL) , le déplacement sur ses propres sites (la barre Google et bientôt se autres fonctionnalités) et l’outil qui permet de se déplacer (le navigateur), Google se glisse dans une des principales zones d’indépendance des pouvoirs du Web: il mêle délibéremment la fenêtre de liberté qu’est le navigateur avec son propre index et ses propres bases de données.
  • En établissant une communication systématique entre un navigateur qui abrite les données intimes des internautes, des sites battis autour de gigantesques outils de traitement de données et des activités publicitaires qui sont au fond le cœur de son métier, Google s’immisce enfin dans un espace où la confiance est une radicale nécessité…

Il faut bien l’écrire: si Google n’établit pas de séparation entre la fenêtre qu’il ouvre sur le Web et les outils qu’il y propose… la confiance sera de moins en moins méritée.

Qu’est-ce qu’un média?

3 décembre 2007

Il est certain qu’à vouloir catégoriser les médias, à proposer des lois d’influence médiatique, ou à rêver à leurs développements futurs, je rôde sans cesse autour de leur définition sans précisément la nommer. Peut-être sera-t-il finalement utile de suivre les dernières discussions et de proposer une définition des médias, même trop rapidement tracée?

Faute de temps pour décrire le bataillon hétéroclite des théories médiatiques existantes, je me concentrerai sur trois sujets: les exigences d’une définition, la proposition de définition elle-même, et quelques applications immédiates, dont l’articulation des trois grandes catégories de médias issues du précédent billet.

Pour être utile, une définition des médias doit éviter deux tentations opposées: d’une part la tentation d’un matérialisme restrictif, qui confond le média et la technique sur laquelle il s’appuie, ne voyant par exemple dans un livre que la technologie permettant de l’imprimer, et d’autre part la tentation d’une généralisation illimitée, ou tout devient média, car tout au fond médiatise un échange, une action ou une idée. On peut certes croire que « le média c’est le message », mais cela ne permet pas véritablement d’en isoler la nature.

Pour être pertinente, une définition des médias doit embrasser à la fois les faits proprement technologiques et les pratiques sociales. Elle doit s’adapter indifféremment aux formes de médias les plus anciennes et aux développements contemporains: le forum romain, la télévision, les moines copistes, les traditions orales, l’internet… etc.

Voici donc un premier essai de définition: est média tout assemblage de règles techniques et sociales qui assure l’existence d’une discussion.

Si l’on suit cette idée, une institution (une organisation) est toujours en soi un média, car elle établit les règles d’échange d’informations, les droits réciproques des interlocuteurs,… etc. Par exemple, un syndicat est par excellence un média : c’est une organisation qui assure la remontée des revendications, leur synthèse, la diffusion des mots d’ordres et des positions.

Corolaire immédiat, rien n’empêche un média de s’appuyer sur d’autres médias. Comme tout système de règles, les médias se superposent et s’entrecroisent sans nécessairement se substituer. Ainsi un syndicat utilisera la poste, le téléphone ou l’internet, s’appuie sur d’autres organisations pour diffuser ses messages et ses revendications.

La division de l’histoire médiatique en trois ages découle directement de cette définition. Pour voir apparaitre les trois âges et les trois catégories de médias qui leur correspondent, il suffit de les classer selon leur finalité.

Le premier âge est celui où les médias sont essentiellement des organisations. La parole et le message se diffusent au sein du groupe, au sein de l’église, au sein du théâtre. La fonction médiatique n’est pas la raison d’être de ces groupes, elle n’est qu’une conséquence de leur fonctionnement. Le premier âge médiatique est donc celui où la discussion est soumise à l’objectif de l’organisation qui l’abrite.

Le deuxième âge est celui où les médias se libèrent des objectifs de ceux qui leur ont donné naissance. Alors que les moines copistes existaient d’abord comme ordre monastique, la finalité première des imprimeurs a toujours été… d’imprimer.

Au fil du deuxième age, les médias se libèrent donc des éléments extérieurs à la discussion, mais ils restent soumis à de petites communautés de producteurs (littérateurs, journalistes, professionnels divers,…) qu’ils maintiennent et qui les maintiennent. Cette division entre producteurs et récepteurs hiérarchise profondément la discussion.

Le troisième âge médiatique -le notre- est celui où les médias se libèrent finalement de la division entre ceux qui produisent le message et ceux qui le reçoivent. La discussion n’y est plus limitée que par elle-même, par les règles qu’elle se donne et par les messages qu’elle construit. Elle se libère ainsi de la hiérarchie des producteurs, des distributeurs et des lecteurs.

Le Web participatif, les réseaux sociaux, les développement Open Source ne sont que les premiers indices d’un mouvement bien plus large: nous rentrons dans l’âge médiatique de la démocratisation.

Le web 3.0 sera-t-il un graphe social généralisé?

23 novembre 2007

Il ne faut pas manquer le dernier billet de Tim Berners-Lee sur la prochaine génération d’internet. Il y expose le lien entre les transformations passées et futures du réseau avec cette force toujours remarquable que donne la simplicité maitrisée. Il donne aussi peut-être les limites de la vision du fondateur du Web, et avec elles une occasion de la dépasser.

Pour Berners-Lee, la première génération d’internet était une mise en commun des machines. La deuxième, qui culmine avec notre web 2.0, une mise en commun des documents. La troisième, celle qui pourrait venir, une mise en commun des relations, des goûts et des préférences des individus, c’est-à-dire un graphe social généralisé. Les technologies sémantiques seraient ici mises au service d’un accès direct d’individu à individu, par delà l’écran que représentent les sites et les documents enchevêtrés.

La synthèse de chacune des trois générations ainsi réalisées -les deux passées et celle que Berners-Lee appelle de ses veux- il est possible de dégager une problématique commune, une idée identique à chacune des trois vagues technologiques. Pour Berners-Lee, c’est la dialectique du partage et du contrôle. Chaque vague est l’histoire d’une perte de contrôle acceptée dont le bénéfice est un partage collectif généralisé

On comprend la force rhétorique du raisonnement: puisque les deux premières vagues ont bien déferlé de cette manière, la troisième ne saurait en être empêchée. On comprend aussi sa capacité à fixer les termes des discussions à venir: la résistance des individus – par exemple le souci du secret ou de l’intimité- est certes légitime, mais elle devra finalement céder -toujours selon l’argument- face au bien collectif que constitueront un partage et une collaboration renforcés.

C’est peut-être à cause de sa simplicité et de sa qualité que cette synthèse réveille en moi de sérieux doutes sur la thèse qui y est développée, et avec elle sur tout un pan des projets du « web sémantique » -mais pas sur la technologie du « web sémantique » en soi, car il y a bien des manières de l’utiliser-. Mes doutes sont de deux ordres, qui sont au fond tout à fait liés

  • je ne crois pas que le « sens » que l’on attribue aux choses puisse être échangé, car il est trop lié à l’identité et à la volonté. Que l’on partage des mots n’entraine pas toujours que l’on partage des significations. Que l’on partage des significations n’entraine pas toujours que l’on veuille les révéler. L’identité est fluctuante, composite, mobile, elle aime être surprise, être étonnée, parfois s’échapper d’elle-même, rarement se complaire dans ses préférences avouées.
  • je ne crois pas que l’ouverture des identités personnelles, c’est-à-dire la plus grande transparence ou visibilité des actes de chacun sur le web, soit la conséquence de changements techniques. Ce sont les évolutions sociales qui provoquent des évolutions sociales: les techniques nouvelles les consacrent, mais ne peuvent les provoquer.

A la différence des deux premières vagues d’internet, le web sémantique, le graphe social et les idées qui leur sont liées ne mettent plus seulement en jeu des objets physiques, ils touchent à la personne et à l’identité. Tout au moins pour cela, le modèle d’évolution des deux premières générations d’internet ne me parait plus pouvoir s’appliquer.

Wikis, blogs et créations collectives renouvelées

8 novembre 2007

Les wikis et les blogs engendrent deux formes radicalement opposées de création collective. Dans les wikis, le produit est d’emblé partagé et l’individualité des contributeurs marginalisée. Cette dernière se développe néanmoins au fil des contributions, où les auteurs acquièrent une expérience et une renommée qui leur permet peu à peu d’arbitrer les conflits et de tracer les orientations. Inversement, les blogs sont individuels au premier abord, et ce sont les ajouts successifs de liens, de commentaires, de citations, de réponses de billets à billets, de sujets de discussion croisés, qui génèrent un produit véritablement collectif.

Ces mouvements opposés dessinent les forces et limites des deux formes d’expression.

Les Wikis bâtissent le consensus et la pérennité. En alignant progressivement les points de vue, ils stabilisent une œuvre commune qui se perpétuera dans la durée. En alignant progressivement les points de vue, ils éliminent aussi l’originalité, le sens créateur, l’énergie et la nouveauté. A cet égard il est naturel qu’une encyclopédie en soit jusqu’à présent le produit principal: quoi de plus stable qu’une encyclopédie? Quoi de plus durable? Quoi de moins innovant?

Les blogs engendrent le mouvement et la variété. En confrontant les individualités, ils les poussent à la différence, au changement, à la variété. En confrontant les points de vue, ils éloignent aussi la perspective d’un accord durable, d’un approfondissement collectif, d’une pause dans la quête permanente d’originalité. Les bloggeurs sont immanquablement poussés vers l’actualité, vers la nouveauté pour elle-même, quelle que soit son sens et son objet. Comment mieux remplir son obligation permanente de production? Quel meilleur moyen de s’intégrer dans les discussions du moment, de développer des liens, de générer de nouvelles controverses? Quoi de plus dynamique et quoi de moins durable?

Je rêve parfois de nouvelles formes de création collective qui trouveraient de nouveaux points d’équilibres entre feu et solidité… entre création et consensus… entre variation et durée. La technique ne semble pas nous limiter mais bien plutôt l’imagination. Faut-il concevoir des hybrides? Des modes de discussion résolument distincts des deux premiers? Comment et pour quels usages les employer?

Vers un internet réunifié?

6 novembre 2007

La deuxième génération d’internet a d’emblé présenté un ensemble de règles, d’usages et de techniques partagées, mais elle a produit des ensembles de réseaux bien distincts, qui constituent autant de continents séparés.

Si l’on brossait une cartographie rapide du web 2.0, on trouverait d’un coté les communautés propriétaires gérées par les sites de réseaux sociaux. Les MySpace et les Facebook organisent la mise en relation d’utilisateurs à l’intérieur de frontières bien gardées, selon des règles communes, avec des moyens partagés. Chaque réseau constitue une ile ou un continent jalousement gardé par son propriétaire, à la fois soucieux d’accroitre sa population et de l’inciter à produire et à consommer sur place.

De l’autre coté de la carte se développent les communautés libres de la blogosphère. Les liens sont établis librement entre petits propriétaires indépendants. Une foule de fournisseurs de services assure la cohérence relative de l’ensemble: outils d’édition et de mesure, annuaires, gadgets, sources de revenus divers.  Les fournisseurs le plus puissants -Google, Technorati,…- y disposent d’une influence certaine, mais aucun n’est à même d’imposer ses principes face cette myriade de micro-communautés et aux innombrables liens qui la traversent. Le développement n’y obéit à aucune règle ni hiérarchie, soutenu seulement par le foisonnement des initiatives individuelles et l’extraordinaire vitesse de transmission des idées nouvelles.

Je mettrais temporairement de coté l’étonnante contrée des Wikis où se trouve à la fois la foisonnante liberté de la blogosphère et une logique communautaire extrême, qui pousse les individus à s’effacer derrière les œuvres et les projets.

Le développement séparé de ces nouveaux continents de l’internet ne doit pas masquer leur origine commune. Tous partagent les traits fondamentaux du web 2.0: l’abolition des frontières entre producteurs et utilisateurs, la constitution systématique de communautés de participants, la distribution horizontale des contenus au sein de ces communautés, l’amélioration permanente des contenus au dépend de la notion de produit fini,… Selon le lieu d’où l’on parle, la blogosphère n’est qu’un réseau social ouvert, ou les sites sociaux ne sont que des blogosphères fermées. Comme il est classique en théorie des organisations, chaque mode de fonctionnement présente ses propres avantages concurrentiels: d’un coté la simplicité d’accès et la cohérence des fonctionnalités, de l’autre la puissance technologique et la liberté d’innover.

Après des années de dérives des continents, deux événements annoncent une nouvelle évolution. En investissant dans Facebook pour un montant sans commune mesure avec la valeur de l’entreprise, Microsoft à validé l’ambition de son fondateur: intégrer l’essentiel des réseaux sociaux du web au sein d’une unique plateforme -la sienne-. A cet impérialisme radical, Google vient de répondre par le développement d’un langage partagé entre réseaux sociaux fermés. Opensocial établit un pont entre tous les rivaux de Facebook; si le projet réussit, il abaissera de fait les frontières de chacune de ces communautés privées.

Si l’ambition de Facebook parait démesurée – je n’imagine ni les bloggeurs accepter un tel maître ni les réseaux spécialisés se fondre dans une plateforme unique -, si le projet de Google risque de se heurter aux propres intérêts de la firme, les deux stratégies mènent directement à l’ouverture des réseaux sociaux propriétaires. Pour des raisons offensives comme défensives, chacun des petits états du web 2.0 devra s’allier avec ses pairs, partager les standards, les règles, les ressources.

Exemple aujourd’hui minoritaire de micro-états confédérés, la blogosphère pourrait être le modèle d’un internet réunifié.

Guerre des médias sociaux: et le vainqueur est…

24 octobre 2007

My Space? Trop tard… Facebook? Beaucoup y croient encore… 

Au fond… Faut-il qu’il y ait un vainqueur? En d’autres termes, les médias sociaux, comme les sites internet de la première génération, sont-ils nécessairement voués à la  loi du « Winner takes all »?

A première vue, les mêmes causes semblent engendrer les mêmes effets: les coûts de développement d’un site sont des coûts fixes, indépendants du nombre d’utilisateurs; le meilleur site devrait donc drainer inexorablement la totalité des clients, segment après segment, en dévorant peu à peu ses concurrents.

Dans cette perspective, la guerre des médias sociaux devient une question essentiellement technique: qui parvient à produire la meilleure interface et à l’adapter le plus rapidement? C’est la vision d’Arrington et de trés nombreux bloggeurs, présentée dans la synthèse de Julien Jacob ou, avec une distance certaine, dans celle de Jean-Marie Le Ray. Elle entraine une conséquence inévitable: la convergence de tous les sites vers un réseau social unique. Facebook tiendrait donc la corde…

Il se pourrait néanmoins qu’en développant cette vision mieux qu’aucun autre, Facebook ait sutout popularisé une illusion: l’homogénéité des liens sociaux. L’image du « graphe social », où les liens entre individus se résument à des segments, pour éclairante qu’elle soit, masque la profonde différence de nature entre ces segments. 

Les liens entre amis (très proches), bons copains (un peu plus éloignés), collègues, bloggueurs, anciens d’une même université, tous ces liens ne diffèrent pas seulement par leur intensité, pas seulement non plus par la quantité d’information échangée. Ils diffèrent par les règles de la relation, par la manière d’interagir et d’échanger. Non seulement on ne se dit pas la même chose, mais on ne se le dit pas de la même manière. A l’extrême, on n’assume pas la même identité selon le type de réseau auquel on est confronté.

Que chacun réfléchisse à la différence entre ses relations familiales et amicales: il se rendra compte qu’il n’y a pas de réseau social unique, ou plutôt que cette idée est dépourvue de sens pratique. Bien plus, nous sommes tous dotés de réseaux sociaux distincts, qui peuvent parfois se croiser, jamais se superposer. Nous appartenons simultanément à des communautés familiales, amicales, professionnelles, et nous présentons des identités distintes pour chacune d’entre elles.

C’est peut-être une véritable loi des réseaux sociaux qu’il convient maintenant d’énoncer: chaque type de réseau social est pourvu de ses propres règles et de sa propre identité.

La conséquence en est claire: chaque type de réseau requiert son propre média social, son propre type d’interface et donc un sîte adapté.

Le succès de Facebook provient du choix d’un type de réseau particulièrement répendu: les amitiés de fac et celles qui leur ressemblent. A terme, les règles et le mode de fonctionnement de ce type de réseau ne pourra cependant convenir aux autres. Pour ne prendre qu’un exemple: le système de traçabilité, moteur du succès de Facebook dans un contexte informel, est largement inacceptable dans un contexte professionnel.  Linked-in ne se trouvera pas dépossédé de ses bataillons de cadres, en tout cas pas au profit d’un site où les liens privés sont aussi visibles que dans Facebook. Pour reprendre la typologie de Nicolas Cynober, on pourrait dire que les médias sociaux sont nécessairement verticaux.

Dans la guerre des médias sociaux, le vainqueur semble donc être… La diversité.

La nature communautaire du web 2.0 génère et impose ce foisonnement de sîtes et de réseaux. Elle pourrait bien lui permettre de durer.

Stratégies web: de la croissance au foisonnement

23 octobre 2007

Parmi les multiples caractéristiques prétées au web 2.0 (ou au 3.0, voire au 4.0… selon les modes du moment) , je n’ai pas encore vu de définition fondée sur les stratégies d’entreprises. Il y a pourtant une différence majeure entre les types d’avantages concurrentiels des sites de la nouvelle vague et ceux de leurs ainés -par avantage concurrentiel, j’entends des capacités propres à une entreprises, pérennes au fil du temps, suffisamment difficile à répliquer pour résister à la concurrence et assurer une croissance profitable-.

Les avantages concurrentiels obtenus par les sites du premier web furent essentiellement des avantages de coût, alors que les entreprises web 2.0 ont pour la première fois la possibilité de développer des avantages intrinsèquement lié à leur produit, c’est-à-dire des avantages de revenus. 

Les premiers Yahoo, Amazon ou AOL (je parle du portail) proposaient des services que tout site concurrent pouvait répliquer. Un tel effort était potentiellement très couteux, rarement profitable, mais constituait une menace permanente au sein de chaque catégorie de site. Dans ce contexte, la seule orientation valable était une stratégie d’abaissement du coût de développement des sites. Comme ces coûts sont presque toujours fixes, c’est-à-dire indépendant de l’usage et du nombre de clients, les grandes lignes des stratégies concurrentielles se trouvaient naturellement tracées. Il fallait accroitre le nombre de clients pour abaisser les coûts unitaires, cela jusqu’à l’élimination des concurrents. Comme dans d’autres industries de très forts coûts fixes (électricité, compagnie aériennes…), seul un très petit nombre d’acteurs survivaient par marché. A terme, sans  rupture technologique ou changement conceptuel, le plus gros aurait fini par écraser tous ses adversaires dans toutes les catégories de services… 

Les sites 2.0 ont tous une propriété commune, qui empêche définitivement ce scénario. Ils s’appuient sur des réseaux sociaux, avantages concurrentiels non réplicables, qui plus est avantages de revenus. Voila sept ans, un investisseur fou aurait pu dépenser des fortunes pour reconstruire exactement l’interface d’Amazon – la compétence de son fondateur le prédisposait néanmoins à l’emporter: c’était un financier et non un ingénieur-. Aujourd’hui, la capitalisation de Microsoft ne suffirait pas à reproduire les liens sociaux gérés par Face Book! Que l’on me comprenne bien, Microsoft pourrait reproduire les applications de Face Book, éventuellement convaincre ses abonnés actuels de s’inscrire à un service presque identique… Ce serait horriblement couteux mais insuffisant: les connexions  établies entre abonnés seraient perdus en cours de tentative.

Les sites qui entretiennent une communauté active possèdent donc tous un avantage concurrentiel intrinsèque. Cela ne signifie pas qu’ils peuvent tous être rentable, mais cela signifie que leur stratégie ne doit pas être nécessairement similaire à celle des sîtes 1.0. Toutes choses égales par ailleurs, ils ne doivent pas nécessaire croitre et éliminer leurs concurrents pour durer.   Cela ouvre d’autres questions comme, celle de la convergence entre réseaux sociaux –et je reviendrai très bientôt sur ce point- mais justifie largement la floraison de sites actuels.

Au contraire de son ainée la myriade de startup 2.0 pourrait ne pas beaucoup croitre… mais peut-être mieux durer